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Considérations diverses, suite à la dernière soirée de dégustation...
Ce dernier lundi (16 février 2015), nous étions une dizaine autour de la table, verre en main et crachoir à portée de bouche. J'avais annoncé trois vins de Loire et un ou des vins de St Jean du Minervois. Et puis Matthieu Dorr a proposé trois vins qu'il vient de rentrer en cave, j'ai donc remis à plus tard la découverte des vins du Minervois...
Notre système est rodé. Chaque participant(e) arrive à 18 h 30, est réputé(e) être à jeun, se met à l'aise (vêtements de dessus posés), remet à la maîtresse de maison (Marie-Ma) sa contribution aux agapes finales, et nous passons à table. Les bouteilles à déguster sont là, avec les bouquets de verre et les crachoirs blancs (ex-pots de choucroute de un kg !)... Vin après vin, nous allons soumettre les vins à une description visuelle (l'oeil), olfactive (le nez) et gustative (la bouche). De cet exercice, individuel puis soumis au groupe, s'ensuit une conclusion collective en général formant consensus. Quand nous avons ainsi passé en re-vue (et re-olfaction et re-gustation) la totalité des échantillons présentés (pas plus de six, nous sommes des amateurs et nos papilles sont vite saturées), la table est préparée pour la continuation dînatoire... qui se termine au plus tard vers 23 h, car presque tout le monde travaille le lendemain. Nos soirées sont très conviviales et, je crois, tout le monde est content. C'est l'essentiel...
Organisateur, je tiens à un noyau permanent. Il comprend : d'abord, des professionnels : (les trois cavistes amis, qui sont rarement tous là), mon ami Alain (qui fixe les dates possibles pour lui) et, "membres de droit" les amateurs les plus impliqués dans les groupements d'achats. Restent quelques places libres pour lesquelles je fais appel par infolettre aux abonnés du blog. Cela fonctionne bien et ronronne doucement et je devrais être très satisfait...
En fait, je ne suis pas satisfait, mais ce n'est pas grave. Car j'aurais beaucoup de choses à dire et qui parfois se bousculent sous ma langue, mais je les retiens et ne les dis pas, préférant rester en retrait. Par exemple, nous avons goûté des vins de Bourgueil, titulaires de l'A.O.C, c'est-à-dire agréés par la commission officielle d'agrément comme le mentionne en petits caractères l'étiquette, mais dont la dénomination affichée en grosses lettres est "Illuminations", ou "Terre d'adoption". Nous avons à peine évoqué la richesse de l'imaginaire vigneron, et j'ai juste dit que j'avais vu de pires étiquettes. Ce que j'aurais pu et peut-être dû dire, ce sont les raisons probables du glissement sémantique...
Je m'explique. Dans un premier temps, du fait de la révolution oenologique que constitua la mise en marché de plus en plus importante de vins vinifiés "sans soufre", les commissions d'agrément, alors dominées par les syndicats de vignerons, privèrent ces vins différents de la norme (de "leur norme") du droit de se définir du nom logique de leur appellation. Rejetés dans la catégorie inférieure, par exemple celle des vins de table, ils perdaient ainsi beaucoup de leur valeur marchande. La riposte des vignerons ainsi sanctionnés fut de donner un nom, comme de marque, à leur vin, et souvent à s'honorer d'être rejetés par les instances officielles. Ces vignerons furent secondés par nombre de revendeurs, partisans passionnés de leur travail, et par des amateurs comme moi. Cette stratégie commerciale de vin d'auteur réussit, heureusement pour la pérennité de cette révolution. Je constatai alors une dérive assez fréquente vers un snobisme du "vin de table", c'est sans doute inévitable...
Je suis d'accord pour le concept de vin d'auteur, quand s'il s'appuie sur une réalité respectée du terroir et des pratiques "douces" à la vigne et en cuverie... Ainsi, voici Laurent Herlin, vigneron dans l'appellation Bourgueil, qui donne un nom évocateur à chacun de ses vins d'auteur mais mentionne par ailleurs l'AOC "Bourgueil". En fait, dans le petit monde en expansion rapide de la nouvelle viticulture, qui embrasse les bios purs et durs (n'oublions pas les impurs ni les mous), les biodynamistes de tout poil et les innovateurs de toute pipette, et que met en scène d'innombrables salons dont certains sont de véritables grand-messes dans lesquelles se pressent des foules, ce qui compte d'abord c'est le nom du vigneron. Sa notoriété est fonction de la qualité de son vin telle qu'elle est reconnue par ses partisans, amateurs et professionnels : cavistes, restaurateurs et aussi importateurs, exportateurs. Certes, il y a des modes, des approches "bobos" irritantes et d'autres plus sympathiques, toutes relayées par d'innombrables blogs, dont le mien ! Dans cette évolution, le concept d'A.O.C est devenu secondaire...
En l'absence de toute autorité reconnue par la nouvelle mouvance du vin "bio", "bio-dynamique" et "naturel", qu'elle soit institutionnelle ou émanant de la société civile, la situation est celle d'une confusion joyeuse mais à mon avis regrettable, aggravée par l'incompétence de certains prescripteurs, tel celui qui vantait devant moi un vin malade de "brett" (brettanomycès, levure pathogène, tolérable quand elle est discrète, défaut majeur quand elle domine).
J'avoue ma fatigue à exposer ces notions complexes. L'essentiel pour nous, c'est de disposer de vins bios et bons. Bien entendu, pour les échantillons que je rassemble, je privilégie les vignerons qui sulfitent peu ou pas, se tiennent éloignés de toute cuisine oenologique, mais je fais parfois des entorses à mes convictions. Ainsi, je conserve Jean-Claude Lapierre parmi mes partenaires à cause et de ses vins non sulfités et de l'extraordinaire rapport de la qualité au prix. Je passe sur le fait qu'il levure ses cuvées (certes avec des levures autorisées par l'association "Nature et Progrès"), afin de gagner du temps en vinification. Ce n'est pas si grave ! Mais je redoute le degré alcoolique de ses vins (14° et jusqu'à 15° pour les rouges).
En 2006, je rencontrai un professeur d'université de Montpellier, spécialisé en pharmacognosie, qui étudiait le métabolisme des polyphénols (si utiles à la santé !) en fonction du degré alcoolique. Selon ses travaux, la meilleure absorption de ces polyphénols par notre corps a lieu quand le vin titre 11, 5 ° d'alcool. Ensuite, le métabolisme diminue vite, puis de plus en plus vite... C'est pourquoi, maintenant, je cherche des vins bios et bons qui ne dépassent pas ce degré. Et ma joie fut de faire connaissance de Laurent Herlin : "Terre d'adoption" titre à 11,5° ! Je boirai plus de ce vin et moins de vin des Cévennes, car j'ai besoin d'un verre de vin au déjeûner pour mon équilibre global (fonctionnel, sentimental, comme vous voudrez)...
Ce texte est bien long mais il m'a semblé juste de vous communiquer ces considérations. Je ne suis qu'un amateur et qui cherche, depuis plus de trente années, à comprendre... et à trouver les meilleurs vins pour son usage et, s'ils le désirent, pour celui de ses amis par le vin. Je souhaite vivement vos commentaires (en bas de ce texte) pour savoir si je dois être moins "secret", ou non. Je sais bien que beaucoup des abonnés à ce blog le sont parce qu'ils sont satisfaits des choix que nous proposons et ne veulent pas s'encombrer la tête de notions qui les intéressent peu ou pas. Alors, chers abonné(e)s, je brûle de vous lire !
Samedi, je publierai les fiches de dégustation et une offre de groupement d'achat.
TRINK !
Pierre Paillard
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