Rien n'est plus indispensable qu'une bibliothèque dans les toilettes. Dans les nôtres, Agatha Christie voisine avec La Rochefoucault. Ainsi, dans un de ces moments de répit qu'exige la sereine exécution de la tâche pour laquelle on est là, surgit sous l'oeil ce bijou ciselé : "C'est une ennuyeuse maladie que de conserver sa santé par un trop grand régime". La Rochefoucauld, duc de l'Ancien Régime, avait tout compris...    

Or, voici cinq ans, j'ai dû adopter un régime alimentaire. De tempérament aventurier, j'ai choisi le plus radical : celui du Docteur Seignalet. Il ne proscrit pas le vin, je pouvais donc l'essayer. Sans être un calvaire, ce fut difficile. J'ai persévéré. Toutes choses égales par ailleurs, en un an, je perdis près de 10 kg et me sentis nettement mieux... Donc, je le continue quotidiennement en dépit de sa rigueur : pas de produits laitiers (adieu fromages !), pas de céréales hormis le riz et le sarrasin (lequel n'est pas une céréale), etc etc...  Vous vous demandez sans doute comment j'ai pu ne pas succomber à une gravissime dépression ? Eh bien, je vais vous le dire... C'est que je recours périodiquement à l'arme dionysiaque absolue : la transgression !

Les continuations dînatoires de nos soirées de dégustation sont une de mes transgressions préférées, évidemment ! Ces soirs-là, je ne me prive de rien ! Surtout pas de bon pain ni de fromage ! Je crée aussi les occasions : ainsi, une soirée chez les soeurs Pouchkine (sous le Café des Images), pour dévorer (par exemple) une copieuse assiette de leur choucroute Sirlin cuisinée à la russe -13,50 € la portion-, et chaque fois je me régale... Ou encore une escale euphorisante de quelques heures chez nos amis Sylvain et Isabelle, à la Trattoria (c'est au Vaugueux), dont la cuisine créative est un enchantement.  De ce restaurant je ferais bien ma cantine... si les menus de Sylvain n'étaient aussi éloignés de l'orthodoxie seignalesque...

Mes escapades gastronomiques sont assez rares pour ne pas hypothéquer trop le bénéfice du régime mais suffisamment fréquentes pour le maintien du moral au beau fixe ! Car mon verre de vin quotidien ne suffirait pas, à lui seul, à vaincre ma nostalgie de la bonne chère. Il n'empêcherait pas non plus la noire conviction d'une existence désocialisée de me polluer l'esprit.

Voici enfin la période de l'année la plus transgressive qui soit, du moins pour ce qui est du boire et du manger ! Donnons nous en  à coeur joie ! En janvier, il sera toujours temps d'adopter un régime, si besoin est... en attendant la prochaine et nécessaire transgression festive.

Je vous souhaite de bonnes fêtes !

TRINK !

Pierre Paillard