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Passivité, ou résistance à la société du mensonge
J’ai donné, dès l’ouverture du blog, les motifs de ma colère : d’une part, une définition « consensuelle » du vin biologique (le consensus de qui ? des organisations européennes de vignerons "bios", consensus fondé sur le plus petit dénominateur commun), de l’autre, la récupération commerciale, par les gens qui ont les moyens du marketing de masse, des attentes de plus en plus nombreuses de consommateurs soucieux de naturel. Cette récupération joue évidemment sur les mots et travestit le réel sans aucun scrupule, j’en ai aussi donné des exemples. Ceci pose un problème à de nombreux viticulteurs et paysans plus que consciencieux mais qui n’ont pas les moyens du marketing de masse et risquent de se voir marginalisés.
A l’occasion des vœux de nouvelle année, madame Chantal Frick (domaine Pierre Frick), m’a écrit. Avec son accord, je cite sa lettre intégralement :
Le 09/01/13 10:33, Chantal Frick (domaine Pierre Frick) m’a écrit :
bonjour Pierre,
Merci pour tes voeux. Nous te souhaitons aussi une belle année : santé, dynamisme, belles rencontres...
Nous te remercions pour ton engagement renouvelé pour les vins authentiques. Les "violences" techniques (flash pasteurisation...) et les additifs "raisonnés" permettent de plus en plus une médiatisation de " nouveaux vins sans sulfite", produits maintenant industriellement. Ces vins-là sont "purs", sans histoire, égaux à eux-mêmes, indifférents au temps et au lieu, et si vidés qu'ils se boivent sans émotion. Voilà la nouvelle mode et la nouvelle tromperie pour les amateurs de vins non avertis.
Mais comment allons-nous nommer nos vins naturels sans sulfite ajouté maintenant ? "Vin Biologique" a été vidé de son sens depuis la sortie de ce cahier de charge européen scélérat sur la vinification biologique. "Vin zéro sulfite ajouté" ne caractérise plus l'essence de nos vins sans soufre ajouté. "Vins zéro additif " n'évoque pas la question des violences techniques, mais seulement l'aspect chimique. Quels termes pouvons-nous aujourd'hui mettre en avant, qui soit précis et non récupérable par le marketing du vin ?
Bien cordialement,
Chantal Frick
Tous les éléments du problème sont ici exposés.
D’une part, la dénomination « qualité biologique », ici comme ailleurs, ne veut plus dire grand-chose. Je me suis passionné pour l’agriculture biologique dès 1965, à l'époque des pionniers. Il s'agissait alors de définir une qualité biologique scientifiquement constatée (la bioélectronique de Louis-Claude Vincent le permet), mais en très peu d'années s'est imposée l'idée d'une qualité biologique décrétée après débats et compromis entre intérêts contradictoires. De dérive en dérive on en est venu à ce que nous voyons pour le vin, mais n'est-ce pas un peu pareil ailleurs ? Certes, je consomme « bio » (depuis 1965), mais j’ai appris très vite à me méfier des étiquettes et donc j’achète directement au producteur... chaque fois que possible. Encore faut-il le connaître, ce producteur, le connaître assez et pouvoir lui faire confiance !
J’ai connu Jean-Pierre et Chantal Frick en 1985, je passe au domaine Pierre Frick au moins une fois par an et je sais son sérieux. J’atteste la vérité des informations données sur leur site internet.
En 1985, il n’y avait pas une douzaine de vignerons « bios » en Alsace. Aujourd’hui, ils sont 250 ! Combien, parmi ces 250 vignerons, ont la même rigueur que le couple Frick ? Combien se satisfont du cahier des charges validé par les instances européennes ? Combien se vouent à la plus haute qualité possible, sans aucune compromission, et y réussissent ? De ces derniers, j’en donne, à la louche, allons... guère plus de deux douzaines ! Aucun souci pour les Gingliger, Binner, Stoeffler, Spielmann, etc... Mais pour les autres ? Il faudrait pouvoir étudier, sur place et sur pièces.
Déjà, en 1985, je découvrais, sous l’appellation vin issu de raisins de qualité biologique, des réalités bien différentes, indépendamment du goût du vin (bien sûr, il faut d’abord qu'il soit bon !).
Le problème, c’est que les appellations officielles ne sont pas fiables : on peut rarement se fier aux AOC ni à la mention "bio" ! Oui, la "mouvance bio" a été gangrenée par la société du mensonge. Alors, à qui se fier ?
Faut-il renoncer et s’en remettre passivement à l’offre marchande ?
Pour ma part, jeune « ancien combattant » de la « bio », je suis en résistance contre cette collusion entre des instances officielles qui valident l’inacceptable et des vendeurs qui trichent sur les mots pour mieux vendre leur marchandise. Depuis plus de 40 ans, j’achète tout ce que je puis, légumes, fruits, viande, à des producteurs locaux que j’ai visités. Et la choucroute, et le vin, je les achète directement à des domaines que j’ai aussi visités et en lesquels j’ai placé ma confiance, en connaissance de cause !
Si je ne prêchais pas d’exemple, qui pourrait me croire ?
Je crois que la saine information doit être partagée et c’est pourquoi je fais connaître autour de moi les producteurs de bonnes choses, que je connais et en qui j’ai pleine confiance, c’est pourquoi l'été dernier je suis sorti de ma retraite pour créer ce blog. Et j'aspire à voir se créer un cadre collectif.
Car, chers lecteurs, il ne suffit pas de comprendre que ce système global de communication-manipulation-marchandisation est menteur, il faut aussi accepter l’idée (maintenant largement validée par de hautes autorités scientifiques) que notre santé dépend en grande partie de la qualité de nos aliments. Soit nous avalons sans contestation la pâtée qu'on nous propose (mes chats n'ont pas le choix), soit nous réagissons. J'ai participé à la création de la première AMAP du Calvados, car les AMAP soutiennent concrètement les producteurs locaux dignes de confiance et qui ont besoin de nos achats pour vivre. Nous sommes tous solidaires, n'est-ce pas ?
Je crois que le temps est venu d'amplifier ce mouvement, dans une prise de conscience élargie. Merci à toutes celles et à tous ceux qui m'aideront à allumer la mèche !
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