• Les raisons (ou les raisins ?) de ma colère

    Quelle mouche m'a donc piqué pour que je me lance, à soixante treize ans, dans la création d'un blog, le renouveau d'un site internet jusque-là en déshérence, et je ne sais quoi encore ?

    C'est que la persistance dans l'erreur, l'aggravation de l'illusion donnée au public et la confusion qui en résultent sont dommageables à toute la collectivité et, au-delà, aggravent la crise globale qui menace notre survie en tant qu'espèce (bien sûr, étant immortel comme tout ivrogne bien-né, je ne suis pas personnellement concerné, mais quand même !).

    Bref, j'ai eu l'occasion, cet été 2012, d'un double coup de sang !

    D'abord j'ai lu les textes de la réglementation européenne qui définissent le vin « biologique » : ce cahier des charges tant attendu est aligné sur les moins exigeants et le résultat est lamentable ! Voyez les taux de sulfites autorisés ! Qu'est-ce donc que la qualité biologique ? Qu'est-ce que « bio » veut dire ? Cela veut dire vivant, ou "la vie", non ? Où est la vie dans des vins sulfités juste un peu moins que le tout-venant, c'est-à-dire à dose quasiment toxique ?  De qui se moque-t-on ? Comment voulez-vous que nous fassions confiance à des labels aussi absurdes ? En toute logique, on devrait appeler « biologiques » les seuls vins qui ne soient que jus de raisin frais fermenté !

    Voilà ma première raison d'ouvrir un débat public.

    Par ailleurs, voici quelques mois, est paru un livre technique, très scientifiquement étayé et parfaitement cynique :« Les grands vins sans sulfite », d'Arnaud Immelé, oenologue-conseil. Ce livre a le mérite incontestable de rompre avec la doxa du monde oenologique, laquelle excluait jusque-là la possibilité de vinifier et d'élever des vins sans utilisation du dioxyde de soufre, alors que depuis plus de vingt ans, à la suite de Jules Chauvet, des vignerons oeuvrent ainsi et connaissent, à juste titre, les faveurs d'un public grandissant. Donc, pour avoir brisé ce tabou, bravo monsieur Immelé !

    Mais quand le livre détaille toute la cuisine oenologique qui permet de se passer de soufre (par exemple, dans tel cas, l'acide ascorbique sera prescrit), j'ai un haut-le-coeur. Avant d'avoir achevé la lecture de l'ouvrage, j'ai téléphoné à plusieurs vignerons praticiens et familiers de la vinification sans sulfite ajouté : « Etes-vous au courant ? Que pensez-vous de cela ? ».

    Les réponses furent claires : les vignerons rigoureux n'ont pas besoin de telles pratiques de facilité, elles sont au surplus dommageables à l'authenticité du vin : ainsi du levurage prescrit par l'auteur. Et comme un des arguments qu'il donne pour adopter sa méthode est le succès commercial des vins dits « sans soufre », l'incitation à la récupération commerciale est claire. Vous aurez donc de la chimie de synthèse à la vigne, au minimum des désherbants, et en finale du vin « nature » ? J'ai alors téléphoné à Christian Chaussard : « Dis donc, en tant que président de l'association des vins naturels, tu n'as rien à dire là-dessus ? Sa réponse m'a affligé : « - Pierre, je ne suis plus président de l'A.V.N, ils m'ont viré, justement parce que je voulais changer de dimension et apporter de la rigueur ».

    Cette conversation eut lieu dix jours environ avant le décès accidentel de Christian Chaussard, homme de conviction et vigneron exemplaire.

    Tout cela me laissa un goût amer..

    Si les organisations de vignerons baissent les bras, faut-il me taire ? Non, car je vois bien la conséquence inévitable du « laissez-faire » : dans la confusion grandissante, les plus malins, les meilleurs « communiquants » rafleront la mise et les vignerons intègres, peu « introduits » dans les réseaux de copinage se verront marginalisés. Voilà pourquoi je crée ce blog ! Parce que moi, cochon de payant, j'estime avoir mon mot à dire !

    Je n'ai pas de grands moyens et aucune ouverture vers les gens qui font l'opinion, mais qu'importe ! Avec mes faibles moyens, et l'aide de quelques amis (et, demain, l'aide de nombreux amis, du moins je l'espère !), je dirai ce que je crois vrai, je donnerai mes arguments et surtout, surtout, j'inciterai à la mise en pratique !

    Je reprends donc la formule éprouvée des collèges de dégustateurs du Club du vin authentique : je l'exposerai bientôt. Et je chercherai tous les liens avec les personnes et les groupes qui oeuvrent dans le même sens : respect de la nature, respect du produit, respect du client final. Il ne manque pas de vignerons et de paysans intègres, s'efforçant toujours de faire mieux. Il s'agit de les distinguer derrière le masque des étiquettes ambigües, d'apprécier leur production et de les conforter par notre soutien.

    Cette dimension solidaire me semble essentielle et je vous invite à la partager.

    Nous entendons élargir notre audience et nous relier aux associations proches, en particulier les AMAP, ces chers « locavores » (dont je suis pour les légumes et beaucoup de produits alimentaires, mais pas pour le vin). Voir les sites : www.reseau-amap.org / et  http://www.reseau-amap.org/amap-14.ht

    Je donne et donnerai aussi les adresses de bons cavistes : quand on a besoin pour la semaine prochaine de deux bouteilles, il est moins onéreux d'aller chez le caviste que d'en commander douze au producteur ! Il n'y a aucune contradiction à soutenir la vente directe et en même temps les bons relais commerciaux du monde du vin : le bon sens commande de rester pratique !

     Ce blog se veut donc à la fois local et général : local pour les initiatives en Normandie et général pour la recherche, partout, des bouteilles sélectionnées de vignerons dignes de confiance. L'à-venir serait bien sombre si nous ne le fondions pas sur des réseaux de personnes soucieuses de vérité, de transparence, de partage et de qualité !