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A propos des groupements d'achats de vin
D'où je parle :
Petit-fils et neveu de vignerons de la côte de Beaune, fils de courtier en vins, j'ai grandi dans le monde de la vigne et du vin. J'ai adhéré à l'association "Nature et Progrès" en 1965 et je consomme "bio-écolo" depuis ce temps. Déporté par le travail (comme les Bretons de Paris), je suis arrivé en 1983 à Hérouville St Clair. Sur la suggestion de mon nouvel ami Michel Lagrange, j'ai organisé et réalisé en 1984 un premier groupement d'achats de vins de Bourgogne, que j'avais choisis à la propriété quelques semaines plus tôt. Mon dernier groupement d'achats (de vins du bordelais) date de la semaine dernière, et Michel en fut.
Je suis toujours allé au-delà des évidences affirmées...
Le premier groupement d'achat me fit découvrir qu'un vigneron, que je connaissais à peine mais que m'avait recommandé un autre vigneron que je connaissais bien, donc certifié "bio" (mention Nature et Progrès) utilisait du glyphosate pour désherber ses vignes, et s'en vantait. Je l'ai bien sûr rayé de mes tablettes. Il a continué à vendre du vin "bio" pendant toute sa carrière et j'ai tiré de cette découverte ma première grande règle : Mention bio ou pas mention, il faut bien connaître le vigneron avant de lui faire confiance.
Le premier groupement d'achat ayant été un succès, nous avons recommencé et nous sommes ouverts à d'autres terroirs. Là j'ai découvert que les cahiers des charges étaient interprétés différemment d'une région à l'autre. Notamment le taux de SO2 dans le vin pouvait varier fortement d'une région à l'autre (et d'un producteur à l'autre). Le SO2 c'est l'antiseptique du vin, un conservateur qui peut être précieux mais qui est vite modérément toxique. D'où ma deuxième règle de présélection : chaque vin doit être accompagné d'une fiche d'analyse établie par un laboratoire oenologique. Il faut savoir ce qu'il y a dans le vin !
Dès 1985, j'ai commencé à fréquenter la foire écolo-bio de Rouffach et à voyager dans les vignobles. Cependant j'étais le seul prescripteur de vins et, un jour, un ami me fit rudement remarquer que j'étais ignare en matière de dégustation. J'acceptai la critique. Si je ne savais pas distinguer les meilleurs vins, que faire ? Au même moment ou presque, de jeunes professionnels du vin beaunois (un professeur de dégustation, un oenologue, un maître de chais, etc) me proposèrent de me passer gratuitement en dégustation professionnelle les échantillons de vins. Je bondis sur l'occasion.
Ainsi naquit notre Collège de dégustateurs. Je devins donc le greffier d'un tribunal chargé de juger les vins et de les refuser ou de les accepter : j'apportais les pièces du procès, c'est-à-dire les bouteilles et les fiches d'analyse, les professionnels goûtaient, décidaient souverainement pour chaque vin, je prenais des notes... et j'apprenais. Les publications des seules fiches positives de dégustation nourrirent ma Chronique d'avant-boire...
En 1989, sur le conseil de plusieurs amis, je rendis visite à Pierre Overnoy, vigneron à Pupillin, dans le Jura. Cet homme pratiquait la viticulture sans molécules de synthèse et vinifiait sans soufre ajouté ! Rien que du jus de raisin ! Pierre ne voulait pas du label bio. Je verrai à le prendre, me dit-il, par solidarité, quand les vignerons bios ne mettront plus de produits toxiques dans leurs vins. Il n'y avait alors en France qu'une grosse douzaine de vignerons travaillant comme lui. Je goûtai leurs vins et fus séduit. Des vins plus fruités, bref plus agréables en bouche et surtout plus digestes, mais "sans papiers" bios".
Ces vignerons qui disent faire du vin nature ont ou n'ont pas le label bio et, comme la réglementation est en retard sur la pratique, le succès commercial de cette nouvelle approche du vin a engendré un nombre certain de tricheurs éhontés... J'en ai débusqué quelques uns. Non, le monde des produits naturels n'est pas un monde de bisounours.
J'ai abandonné progressivement mes activités bachiques à partir de 1998, essentiellement pour raisons de santé, et je ne fais plus qu'un seul, voire deux groupements d'achats par an, à partir de mes besoins (vin ordinaire, vins de fêtes).
La pratique d'un groupement d'achat est simple mais doit être accomplie de façon rigoureuse. En fouillant dans ce blog, vous trouverez des exemples.
Je n'ai pas abordé ici le problème mineur du rapport de la qualité au prix ni le problème majeur de la qualité biologique, je les traiterai une autre fois si du moins on me le demande. Ces problèmes m'ont toujours passionné mais ne peuvent être traités en quinze lignes. Je suis à la disposition de celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur ces sujets.
TRINK !
Pierre Paillard
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