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Au commencement était la Soif...
Ce n'est pas que je veuille contredire Jean, mais quand il dit : "Au commencement était le Verbe", je suis gêné. Car ce n'est pas du tout mon expérience. Mes plus anciens souvenirs sont formels et je suis très sûr de moi en affirmant : " Au commencement était la Soif ". Et quelle soif, mes amis ! D'ailleurs, cette Soif originelle n'a jamais pu être étanchée : la preuve, j'ai toujours soif ! D'où mes Chroniques d'avant-boire...
Ceci posé, j'aime bien l'histoire de Jean. Le Verbe, ou vibration initiale générant des mondes selon un code vivant, c'est très beau, çà ! Et le pépé Tolkien nous a tiré une belle poésie du même tonneau, quand il raconte comment l'assemblée des Aïnur, en chantant, par leur Grande Musique créa le Monde. Bien sûr, ça nourrit l'âme, ces histoires-là, je ne dis pas le contraire. Je dis seulement que ça ne m'a jamais suffi et que ça ne suffit pas à étancher ma soif.
Attention, hein ! Je n'ai pas soif de n'importe quelle bibine ! Et j'ai appris très tôt à me méfier. A moins de trois ans, je savais déjà que ce l'on me proposait n'était pas forcément ce que je désirais (alors je disais :"Non !"). Et mon désir m'a toujours tiré vers ce qui pour moi était le meilleur. Pour savoir ce qu'est le meilleur, il faut goûter à tout... et Dieu sait si j'ai goûté aussi à d'infâmes mixtures (vous connaissez l'histoire du verre que l'on boit à deux mains : l'une tient le verre et l'autre se cramponne à la table)...
Avec le temps, ma soif s'est déplacée du réel liquide à d'autres aspects de ce réel. Je ne sais pas dater ce moment mais j'incline à croire qu'il fut précoce, toujours à cause de la méfiance, fille de l'expérience. Je suppose qu'il fut enclenché vers mes six ou sept ans, dans la cuverie de mon grand-père...
Suite dans la prochaine édition imprimée de ma Chronique...
En effet, sollicité depuis longtemps par le daïmon de l'écriture, finalement je lui cède à nouveau. J'entreprends donc de léguer à la postérité le fruit de mes aventures bachiques (distillé, décanté, légèrement filtré et, qui sait : imperceptiblement sulfité ?).
Il est trop tôt pour souscrire, mais on peut déjà réserver.
TRINK !
Pierre Paillard
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